UNE BOUTEILLE AVEC
12 mai 2022
MICHEL TOLMER
« Il y a des choses qu’on n’arrive jamais vraiment à exprimer à travers le dessin ou les mots. le vin, ça se vit, c’est tout. »
Équipe Oenopole

Michel Tolmer, c’est l’artiste qui se passe d’étiquette. Il a signé celles de très belles quilles chez Catherine et Pierre Breton ou encore chez Karim Vionnet, entre autres. C’est aussi le père de Mimi, Fifi et Glouglou, enthousiastes et incompétents personnages de ses formidables BD. S’il a l’humour au bord des lèvres à l’endroit précis où touche le verre, il cultive aussi la discrétion des esprits les plus flamboyants. L’illustrateur parisien nous a fait l’honneur d’un repas partagé lors de son dernier passage à Montréal.

Commençons par le commencement Michel. Votre mère était Québécoise, n’est-ce pas ?
Oui, de Montréal. Elle et mon père se sont rencontrés à Florence, un truc très romantique. J’ai eu cette chance de me frotter à deux parents qui aimaient beaucoup l’art. Ma mère peignait et faisait de la musique, mon père s’occupait du studio artistique d’une maison d’édition qu’il avait reprise de son père. À la maison, il y avait toujours un budget pour le concert.

Et vous avez choisi les arts visuels…
Oui, j’ai fait l’école d’art graphique où j’ai appris l’illustration, la typo, la photo, bref tous les outils qu’il faut pour s’exprimer en image. J’ai eu la chance d’être confronté à des professeurs de grande valeur. On devait exercer notre esprit, pas de manière terre à terre, mais plutôt sur des sujets ambitieux. Il y a eu un choc d’arriver dans la vie réelle. Mais, comme on dit : « Qui peut le plus peut le moins ».

Et comment le vin est-il entré dans le décor ? Était-ce une manière d’amortir la chute ?
C’est arrivé assez rapidement. D’abord, les artistes de l’époque aimaient bien les rencontres de bistrots. Plusieurs de nos professeurs passaient d’ailleurs naturellement les pauses au bar et ils nous entraînaient avec eux. On buvait des Côtes-du-rhône à 10 degrés. Parfois, il y avait des bouteilles un peu meilleures qui circulaient et je remarquais les différences. Puis, je me suis acheté des livres et j’ai rencontré des gens. Ils m’ont demandé de faire des images pour eux.

Le vin, c’est un sujet dont on n’aura jamais fait le tour.

Et le vin nature, lui, il arrive où dans l’histoire ?
Par une série de rendez-vous, entre autres avec Catherine et Pierre Breton. Les souvenirs des instants déterminants sont flous, mais il m’en reste des impressions très fortes. Il y a aussi des initiations dans des bars à vin parisiens avec des gens complètement amoureux du vin. Des personnes curieuses à n’en plus finir… Ils prenaient un verre et voulaient TOUT savoir de ce qu’il y avait dedans. Ça ne les empêchaient pas d’être joyeux et loin du snobisme…

Parce qu’il y a ça dans votre œuvre, ce désir de fuir tout ce que le vin peut avoir de guindé.
La vérité, c’est que j’aurais une forte tendance à me prendre au sérieux donc, je me retiens. Ça me ramène à ma famille, ça. Il y avait cet état d’esprit, surtout chez ma mère, à se moquer des gens qui avaient de belles théories, de belles paroles. Il fallait dégonfler les boursouflures ! Il y a un truc qui s’allume dans ma tête quand j’entends des phrases creuses. Je m’en amuse beaucoup.

Racontez-nous tout de même un moment de dégustation mémorable, sans vous prendre au sérieux.
Il y en a eu tellement… Je ne sais plus. Il y a eu une un jour une vieille cuvée de Substance chez Selosse. J’étais… mais [il fait mine de tomber sur le dos]… Il y a des choses qu’on n’arrive jamais vraiment à exprimer à travers le dessin ou les mots. Le vin, ça se vit, c’est tout.

Croyez-vous qu’un jour l’inspiration va s’épuiser au fond de la bouteille ?
Ha ! Je pense que c’est plutôt le foie qui va s’épuiser avant. Blague à part, je ne me sens pas limité par le sujet. Non mais, est-ce que quelqu’un peut vraiment dire :« J’en ai marre, j’ai fait le tour du vin ? » C’est tellement riche. Et puis après, je mets tout dans ce sujet. Ça devient un prétexte pour parler de la vie.

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