GROSSE QUILLE
22 octobre 2021
Cappellano et moi
OU L'INCROYABLE ÉPOPÉE MONTRÉALAISE DES BAROLOS MYTHIQUES DE GABUTTI
Emilie Villeneuve
Cappellano et moi
De gauche à droite : Theo Diamantis (oenopole), Ryan Gray (Nora Gray), Alexis Fortier-Lalonde (oenopole).

Alexis Fortier-Lalonde se souvient de la grande séduction. Celle dont il a fallu faire preuve pour convaincre Teobaldo Cappellano de les choisir, Aurélia Filion et lui, comme agents importateurs au Québec, alors qu’ils étaient encore des kids. Leur partenaire Theo Diamantis, lui, raconte avoir sillonné la ville à vélo, chargé de ces précieux Barolos dont personne ici ne soupçonnait la grandeur. Quant au restaurateur et sommelier Ryan Gray, il se rappelle l’énergie qui a gagné son corps tout entier lorsqu’il a goûté ces vins qui sont devenus le leitmotiv de sa carte, au Nora Gray.

Mettre la table

La musique vaguement disco est juste un peu trop forte et la lumière faible et chaude. Sur la table se succèdent en crescendo focaccia garnie de pepperoncini, crostini aux champignons sauvages et autre carpaccio de cerf, avant que n’atterrissent les plats de pâtes qui majestueusement nappées de beurre, qui chaleureusement enrobées de tomates, font soupirer d’aise. Dans le décanteur, il y a le prétexte de cette réunion qui n’a absolument rien de formel : Barolo Pie Rupestris 2013 de chez Cappellano. « Quelque chose qui me rappelle l’après-rasage », lance Ryan Gray, ses cheveux blonds cendré mi-longs tombant sur sa chemise de chasse, ses yeux glaciers clos au-dessus du verre. « Je vois ce que tu veux dire. C’est le côté pétale de rose », répond presque tout de suite Theo Diamantis, interrompant sa méditation. Personne n’a encore osé tremper ses lèvres. On attend la côte de bœuf, imposante, coupée en épaisses tranches disposées en éventail autour de l’os. Elle arrive. Verre en main, les trois comparses rembobinent la cassette jusqu’à l’entrée en scène des cuvées de Cappellano au Québec.

« Tu connais pas l’histoire ? », lance Alexis Fortier-Lalonde à Ryan. « Quand on a fondé l’agence, on est allé voir Mascarello, Cappellano et Rinaldi. Maria-Teresa (Mascarello) nous rappelle à chaque occasion qu’on voulait importer les vins d’une des trois maisons et qu’on a réussi à les représenter toutes. » Theo, qui a dû entendre plus d’une fois le récit originel entame son assiette après s’être assuré que tout le monde soit servi. Alexis reprend : « Chez Cappellano, au départ, on ne voulait pas travailler avec nous. On nous disait qu’on avait 25 ans, qu’on ne pouvait pas être sérieux. Aurélia a dû les appeler tous les jours pendant au moins un an pour les convaincre ! » Évidemment, le couple était sérieux et, évidemment, les kids savaient pertinemment ce qu’ils faisaient. Ils allaient représenter les Barolos traditionnels les plus mythiques de l’histoire, ces autoproclamés « derniers mohicans », résistants de la parkerization et survivants de la vague piémontaise de jus vanillés-boisés formulés sur mesure pour les papilles américaines.

Si seulement ils avaient su

Le contexte, en 2006, était le même au Québec que partout ailleurs en Amérique du Nord : en matière de vin, l’Italie était représentée par les Ornellaia, Sassicaia et autres super toscans. Dans le Piémont, c’est Gaja et ses congénères modernistes qui dictaient les règles, s’imposaient sur les cartes des restos italiens et dans les caves.

Ryan se rappelle : « La blague en cuisine à l’époque, c’était que les gars en suits commandaient des Bro-rolos et des Bro-nellos. » Ce qui explique la scène suivante : un représentant de vins à bicyclette, transportant des Barolos et de la Barbera faits de manière traditionnelle que s’arrachent les initiés ailleurs dans le monde, peinant à trouver preneur sur les grandes tables québécoises. « C’était impopulaire, inconnu. Le marché n’existait pas encore. » Theo prend une longue gorgée, secouant la tête l’air de dire : « Si seulement ils avaient su… » Ce qu’il a fallu pour tranquillement perfuser Cappellano dans les veines de la métropole ? « Ouvrir une bouteille avec des gens comme Ryan. »

 Aujourd'hui, on s'intéresse aux vignerons. Ce n'était pas le cas il y a 15 ans.

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Ryan Gray

Ryan ne se souvient pas de sa première gorgée de Cappellano. « Mais je me rappelle du moment où on a bu la Barbera d'Alba 2008 au bar, ici. C’était en 2012, et on avait déclaré Theo et moi que c’était le meilleur vin de l’année ! » Tout le corps du restaurateur est mobilisé quand il se met à parler du travail de Toebaldo Cappellano qu’a repris son fils Augusto, et de l’important héritage que porte ce dernier.

Une histoire de passion

« Ça me fait rire, les vidéos où on voit un dude avec un ascot présenter le “domaine familial” et ses vignes. Tout ce qu’il fait après avoir récolté ses raisins pleins de produits chimiques, c’est pas du vin, c’est du Coca Cola. C’est pas ça, le travail de vigneron. Il n’y a pas de tradition là-dedans… Pire, c’est la destruction du patrimoine, de la tradition et de l’histoire ! On s’est tellement éloigné de ce qu’il y a d’humain dans le vin. » Intarissable, Ryan poursuit. « Les vignerons qui travaillent exactement comme le faisaient leurs arrière-grands-pères, ce n’était plus la mode sur le marché international il y a encore quelques années. Et parce que leurs vins ne rentraient pas dans les standards de Parker, du Wine Spectator, ça voulait dire que les gens qui faisaient du vin comme Cappellano, Mascarello et Rinaldi étaient aussi jugés en Italie. Ils se faisaient dire que leurs vins n’étaient pas bons parce qu’ils goûtaient comme ceux des vieux. »

À le voir s’animer, on comprend qu’il est inévitable que Ryan se fasse le porte-parole des vins qu’il aime à ses clients. C’est plus fort que lui. « Transmettre ma passion, c’est ça ma job… » C’est comme ça que, tranquillement, la chaîne d’enthousiasme se créé, qu’on se retrouve 15 ans plus tard avec des caisses qui s’envolent aussitôt arrivée à quai et le sentiment intime que des soirées qui s’étirent comme celle-là, dans la lueur feutrée du Nora Gray, sont tout aussi rares et précieuses.

La côte trône nue au milieu de la table. La carafe est vide, mais la conversation remplit encore l’air. « Quand on a ouvert le restaurant, ce genre de table italienne, pas kitsch, où on ne fait pas le service en cravate et où on propose un menu saisonnier, ça n’existait pas à Montréal. Tenir des vins comme ceux de Cappellano, c'est une évidence. Je veux dire, tu ne peux pas prétendre que tu te soucies des producteurs qui te fournissent en ingrédients frais et ne pas t’intéresser aux artisans qui font le vin que tu sers. Ces deux choses-là sont indissociables. »

Pour en savoir plus sur Augusto Cappellano
Feu Teobaldo Cappellano, qui a été entre autre le président du Gruppo Vini Veri, réalisait des vins ambassadeurs de la philosophie qu’on aime partager. Son fils Augusto a non seulement repris le domaine et les vignes, mais aussi cette philosophie qu'il nous transmet avec amour!

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