THÉRAPIE PAR LE VIN
19 janvier 2023
PRENDRE SON PIED FRANC ET LÂCHER PRISE
Il y a plus d’un raisin sur la grappe
Celia Spenard-Ko
PRENDRE SON PIED FRANC ET LÂCHER PRISE
Photographies : Celia Spenard-Ko

« C’est un vin émotif », a dit Aurélia à Augusto. Mes yeux étaient rivés au fond de mon verre où je tentais de dissimuler le fait que j’avais commencé à pleurer. J’avais bu ma première gorgée de Barolo Piè Franco. C’était après une heure de marche à travers les vignes d’Augusto Cappellano. Des restes de terre sèche collaient à ma peau couverte de sueur. Les panoramas tortueux, d’une beauté presque expressionniste, avaient inondé mes yeux. L’air chaud et oppressant occupait mes poumons en entier. Puis, je me suis retrouvée dans cette pièce aussi faiblement éclairée que climatisée, entourée de bouteilles poussiéreuses et de certificats centenaires. Dans le verre qui se refermait autour de mon nez, les arômes ont chuchoté. Un murmure différent, qui m’a fait réfléchir. Le Piè Franco a coulé le long de mes lèvres, s’est déversé sur ma langue et j’ai immédiatement su, sans le savoir vraiment, que ce liquide ne pouvait être du vin. Que c’était une histoire à consommer et qui me consumait.

« Il n’aura jamais plus le même goût », m’a-t-on dit peu de temps après, alors que je me butais à la difficulté d’obtenir une bouteille de ce vin. Tout ce que je voulais, c’était la partager avec mon amoureux, avec mes amis. Ils devaient en faire l’expérience, ils devaient comprendre. Mais même si, par miracle, je tombais sur mon Graal, ce ne serait évidemment pas la même chose. De même que les vins sont le produit de leur environnement immédiat, des personnes impliquées dans leur élaboration et de la température qu’il a fait cette année-là, l’expérience de boire du vin, n’importe quel vin, est fortement influencée par notre environnement immédiat, les personnes qui le boivent avec nous, et aussi par le temps qu’il fait.

Le Piè Franco a coulé le long de mes lèvres, s’est déversé sur ma langue et j’ai immédiatement su, sans le savoir vraiment, que ce liquide ne pouvait être du vin.

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Celia Spenard-Ko

Au cours des mois qui ont suivi, j’ai raconté cette histoire à qui voulait l’entendre et reçu de nombreux témoignages similaires en retour. Ces échanges m’ont rappelé un conseil que mon amie Serena m’a donné lorsque j’ai quitté Montréal pour m’installer à Paris et que je souffrais du mal du pays lié à la nourriture : « Ne cherche pas des répliques de ce que tu aimais dans la ville où tu vivais, tu ne feras que te décourager. Essaie plutôt de découvrir de nouvelles choses à aimer là où tu es. » Et c’est ce que j’ai fait. Le hojicha latte d’Yuichiro du café Dreamin’ Man et tout ce que fait et suggère Hugh du Delicatessen Place sont devenus mes nouveaux repères.

Il ne se passe pas une semaine sans que je ne pense à ce Barolo et j’ai toujours un semblant d’espoir de pouvoir un jour en dénicher une bouteille. Mais je n’écume plus chaque carte des vins dans chaque restaurant, chaque étagère dans chaque cave, ou même Internet. Je chérirai toujours ce moment magnifique et révélateur de mon éducation sentimentale du vin, mais je ne peux pas en faire l’étalon auquel comparer toutes mes autres expériences. Je dois lâcher prise et laisser mes fantasmes prendre les couleurs qui teintent la réalité… Parce que j’ai encore soif de bonnes histoires.

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